Éléments décoratifs et rabots de bois (18e-19e siècles)

Austin Reed, membre de l’APMAQ
Dès le début de la colonisation, la priorité de l’habitant est de construire un toit pour protéger sa famille contre la rigueur de nos hivers. Même dans ces conditions rudes et difficiles, les premiers arrivants ont démontré un intérêt pour la décoration de leurs maisons. Étaient-ce les longues périodes hivernales et le fait d’être « encabanés » qui leur donnaient le temps et le goût d’enjoliver les demeures?

Il est à noter que la tradition décorative des intérieurs de nos maisons anciennes s’est développée sans l’accès à des sources d’inspiration. En effet, les journaux, les livres et les catalogues ne seront accessibles que vers la fin du 19e siècle ou avec l’arrivée des immigrants des îles britanniques et des États-Unis.

Défricheurs et autres bâtisseurs du pays étaient par définition des personnes manuelles et connaissant le langage des outils nécessaires au travail du bois. Les hommes, en défrichant leurs terres et en bâtissant leurs premières maisons, maitrisaient l’utilisation des haches, des sciottes et des rabots. Pour les plus habiles, l’utilisation de quelques rabots et ciseaux à bois permit d’enjoliver les demeures de moulures et d’encadrements décoratifs autour des portes. Ce texte vise à présenter certains exemples de travaux retrouvés dans les maisons ancestrales québécoises et réalisés grâce à l’usage de rabots.

Mur intérieur en planches posées à la verticale

Fréquemment, on construisait des divisions entre les pièces avec des planches très larges, embouvetées et posées à la verticale. Selon cette méthode qui a l’avantage d’être rapide, on utilisait de larges planches de pin ou d’épinette. Les changements saisonniers venaient modifier la largeur des planches. En période humide, les planches s’élargissaient et tenaient la jointure bien fermée, mais en période sèche les planches rétrécissaient, laissant paraître un petit interstice le long de chaque joint. Pourquoi essayer de cacher ces joints, qui paraissent et disparaissent selon les saisons, quand on peut les mettre en évidence avec une jolie petite moulure en forme de baguette. Voir les outils employés à cette tâche ci-contre.

Mur intérieur en lambris à panneaux

Une autre façon de garnir un mur était de le couvrir avec un lambris de panneaux de bois et son encadrement. Cette façon de faire plus onéreuse et exigeante se retrouve le plus souvent dans des maisons bourgeoises et dans des immeubles à fonction religieuse. On utilisait généralement pour cela des essences de bois de qualité supérieure telles que le pin blanc et le noyer cendré, ce qui n’exigeait que quelques rabots spécialisés.

Chambranle
(Encadrement décoratif d’une porte, fenêtre ou cheminée)

L’encadrement qui fait la transition entre le mur et le cadre d’une ouverture s’appelle un chambranle. Pour les ouvertures donnant sur les murs extérieurs, le chambranle assurait aussi une meilleure étanchéité contre les intempéries. Il protégeait également le cadre de la pourriture. Le chambranle pouvait être simplement une planche de bois, mais cet élément architectural semble avoir permis à l’artisan d’exprimer ses goûts et son talent. Ainsi, on en observe une grande variété de modèles même dans la période associée au régime français.

Exemple de fabrication d’un chambranle pour porte

Étape 1 : Enlever une feuillure (une bande longitudinale; voir pointillé sur le dessin) à l’aide d’un guillaume (rabot central sur la photo) pour établir deux paliers ou niveaux.

Étape 2 : Pousser (tracer) une moulure le long de chaque palier (les deux rabots à moulure de part et d’autre du guillaume sur la photo).

Extrait de La Lucarne1, automne 2015